(Les Amis de la Cathédrale Russe de Nice). Ce blog a pour objet de tenir les Internautes informés de toutes les nouvelles relatives à l'église russe de Nice dans le paysage niçois.
lundi 31 octobre 2011
L'ACOR CONDAMNEE A REMETTRE LES CLES DE LA CATHEDRALE A LA RUSSIE SOUS 8 JOURS
vendredi 28 octobre 2011
samedi 15 octobre 2011
Communiqué n°17 de l'OLTR : Comment résoudre le problème de Nice?
L’affaire de Nice s’envenime. Confirmée par deux fois dans son droit de propriété par la justice française, la Fédération de Russie pensait pouvoir récupérer sans problème les clefs de son bien.
Mais l’occupant actuel, l’association cultuelle orthodoxe russe de Nice (ACOR), ne veut pas céder les locaux. Elle dit reconnaître le droit de propriété de la Fédération mais invoque le droit canon. D’après elle, selon ce droit, l’appartenance de l’autel de la cathédrale de Nice à l’archevêché des paroisses orthodoxes russes en Europe occidentale (l’archevêché) depuis 80 ans interdirait à quiconque de le transférer dans une autre juridiction, sans l’accord de l’évêque diocésain.
Tout d’abord, il est difficile d’affirmer à la fois que l’Eglise est séparée de l’Etat comme le fait l’ACOR, à juste titre, et, en même temps, d’opposer à l’Etat le droit canonique. Celui-ci, qui en réalité récapitule l’expérience de l’Eglise, ne peut être invoqué qu’au sein de l’Eglise.
Supposons qu’une paroisse prenne en location un lieu de culte auprès d’une municipalité, comme cela existe. Si cette municipalité veut reprendre le local, à l’issue du bail, pour le donner en location a une autre paroisse ou pour tout autre besoin, viendra-t-il à l’idée de quelqu’un de lui opposer le droit canonique pour lui interdire de reprendre possession de son bien ? Bien sûr que non. Ce serait une idée tout à fait incongrue.
Mais, pourrait-on dire, certes les canons ne concernent pas l’Etat, mais ils concernent en revanche l’Eglise russe à laquelle la Fédération de Russie veut transmettre ses droits. Une telle remarque serait légitime. Il faut donc aussi examiner les fondements des arguments canoniques de l’ACOR et de l’Archevêché.
Nous lisons dans le communiqué de son conseil, en date du 28 septembre 2011 : « L’intrusion d’un évêque du Patriarcat de Moscou dans la vie de la paroisse de Nice, l’action des clercs qu’il y a envoyés et leur volonté sans cesse affirmée de s’emparer de la cathédrale pour satisfaire les injonctions venant de forces politiques extérieures à l’Église sont également autant d’entorses aux normes canoniques de l’Église orthodoxe. Cela non plus ne peut être accepté.Le Conseil exprime son soutien complet à Mgr l’Archevêque Gabriel pour que ses droits et prérogatives d’évêque diocésain dont dépend l’autel de la cathédrale Saint-Nicolas soient respectés conformément à l’ecclésiologie et aux normes canoniques de l’Eglise orthodoxe »
Dans le premier paragraphe, il y a deux arguments. Le premier se fonde sur une confusion. Il n’y a aucune intrusion d’un évêque étranger à l’Archevêché dans la vie de la paroisse de Nice personnifiée, sur le plan juridique, par l’ACOR. Aucun évêque n’a tenté de prendre le contrôle de l’ACOR, ni de démettre son recteur. Un prêtre a simplement été nommé dans la cathédrale Saint Nicolas, dont la propriété vient d’être confirmée au nom de l’Etat russe, lequel a confié ses droits au Patriarcat de Moscou. La confusion ne vient que du fait que l’ACOR ne veut pas quitter les lieux et se retirer dans l’autre église dont elle dispose à Nice. Elle s’accroche aux locaux de la cathédrale dont elle avait la jouissance, en vertu du bail emphytéotique arrivé à son terme. En fait, elle se conduit, maintenant, en squatter.
Le deuxième argument reprend en réalité la théorie d’une alliance contre nature entre l’Etat et l’Eglise russe pour, au moyen d’une « agression » contre l’Archevêché, récupérer des biens immobiliers. C’est le fameux « plan concerté » évoqué par certains membres de l’Archevêché.
Raisonner ainsi est mal connaître l’évolution récente de la Russie. Dès la période de la perestroïka, l’Etat a reconnu les crimes commis contre l’Eglise et les spoliations dont elle a souffert, au cours de la période soviétique. Il a pris la responsabilité de ces mauvaises actions et a décidé d’en assumer réparation. Petit à petit, une législation a été adoptée stipulant que les anciennes églises, transformées en bâtiments affectés à d’autres usages pendant la période communiste, devaient être rendues à l’Eglise russe. Ce processus, encore en cours, n’est pas simple. En effet, ces édifices, anciennes églises ou monastères, ont été occupés par des administrations ou des entreprises ; certains ont été privatisés, étant intégrés dans des ensembles plus importants. Actuellement, ces bâtiments peuvent être occupés par des ateliers ou des musées, par exemple. Les occupants actuels peuvent considérer comme injuste le fait de devoir céder ce qu’ils croyaient être à eux et il est parfois malaisé de les expulser. Dans certains cas où les églises ont été détruites, l’Etat s’efforce même de les reconstruire, parfois à l’identique comme pour la cathédrale du Christ Sauveur à Moscou.
Mais, l’Eglise russe n’a pas seulement été privée de ses églises en Russie. Le régime soviétique est directement responsable de la séparation de ses églises situées à l’étranger. Dans ce cas également, la Fédération de Russie fait de son mieux pour aider l’Eglise à récupérer ces églises. Il n’est certes pas possible d’y appliquer la législation russe sur le retour des biens ecclésiaux. Mais, lorsqu’il trouve une situation juridique qui lui est favorable, l’Etat se doit d’en tirer parti et il pourrait être taxé de négligence s’il ne le faisait pas. C’est le cas à Nice où l’existence du bail emphytéotique a permis à l’Etat de préserver ses droits. On peut penser ce que l’on veut de cette politique de retour des biens ecclésiaux à l’Eglise russe, mais y voir une action spécifiquement dirigée contre l’Archevêché est une erreur manifeste. De même, approuver cette politique pour ce qui concerne la Russie et la condamner, pour ce qui est à l’étranger, manque de logique. La construction d’une nouvelle cathédrale à Paris doit être vue dans la même perspective.
Dans le deuxième paragraphe cité plus haut, le conseil de l’Archevêché semble vouloir transposer sur le plan ecclésial l’argument principal employé devant la juridiction civile : une longue occupation, sans opposition, permet d’acquérir la propriété d’un bien ou la juridiction sur un autel, par « prescription ». Devant le tribunal civil cet argument a été rejeté car l’occupation se faisait en vertu d’un bail de location. Dans le domaine canonique, il est difficile de savoir sur quel canon ou usage se fonde le conseil. Mais, on peut remarquer que l’Eglise russe, à tort ou à raison, n’a jamais reconnu la légitimité canonique des démarches de séparation de l’Archevêché ou de l’Eglise Orthodoxe russe Hors-Frontières. Elle a toujours contesté ces démarches. On ne peut, donc, dire que la juridiction de L’Archevêché sur la cathédrale de Nice n’ait jamais été contestée.
Quoi qu’il en soit, il faut bien admettre qu’aucun problème dans l’Eglise ne peut se régler par « prescription ». L’Eglise ne vit pas de juridisme mais de réalité, de prière et de vie sacramentelle commune. Une déchirure comme celle qui a eu lieu au début de la période soviétique doit être soignée par une discussion franche au cours de laquelle chacun pourrait exposer ses façons de voir. L’Eglise orthodoxe russe hors-frontières l’a fait et n’a jamais eu à le regretter. L’archevêché doit encore le faire et, tant qu’il ne règlera pas ce douloureux problème historique avec l’Eglise russe, il risque de ne pouvoir retrouver la paix interne et externe.
C’est, semble-t-il, ce à quoi appelle Sa Sainteté le Patriarche Bartholomée dans sa lettre à l’occasion des 150 ans de la consécration de la cathédrale Saint Alexandre Nevsky à Paris : « … En effet, conscients que les temps ont changé et laissant derrière nous tout esprit polémique, nous devons œuvrer à la cicatrisation des stigmates de l’histoire et renoncer aux représentations belliqueuses… » écrit-il.
Puisse sa voix être entendue !
Séraphin Rehbinder
Président de l’OLTR
15 Octobre 201
* * *
Le communiqué est disponible à partir de la page de bienvenue du site de l'OLTR
jeudi 6 octobre 2011
Nice-Matin: Conflit de l’église russe: le salut viendra-t-il du ciel?
Voilà bientôt un mois que la cathédrale russe du boulevard Tsarévitch est fermée aux visites touristiques!
mardi 20 septembre 2011
Nice, Paris : "L'apaisement est promis pour bientôt"
Il n’est pas impossible que les lecteurs de « Pravoslavie i Mir » estiment excessif le nombre de publications consacrées à la lointaine France ainsi qu’à la situation autour de la cathédrale orthodoxe de Nice. Ils se sont probablement mis à penser que la Côte n’est pas qu’un lieu de plaisante villégiature mais aussi et surtout le siège de désagréables dissensions ecclésiales. Mais avant d’en revenir au « chaudron de Nice » (par analogie avec celui de Verdun, que le Ciel nous pardonne !) commençons par évoquer la proche perspective de son extinction et du retour à la paix au sein de l’Eglise.
Paris, cathédrale saint Alexandre de la Neva, liturgie solennelle le jour de la commémoration du 150 anniversaire de « la rue Daru ». La liturgie est concélébrée par de nombreux évêques : Mgr Gabriel de Comane, Mgr Emmanuel, métropolite de France, Mgr Michel, évêque de Genève (EORHF) ainsi que d’autres hiérarques. Les pouvoirs civils étaient représentés par plusieurs hauts fonctionnaires.
En voici un extrait : ICI
« Dès lors, il n'est de valeur absolue que celle de l'Evangile de la Tradition qui nous vient des Saints Apôtres, de l'enseignement des Pères de l'Eglise et de la célébration de la Divine Eucharistie, réalisée dans le sein même de l'Eglise Ainsi dans un esprit de sollicitude et d'amour, nous sommes convaincus que l’incarnation de ces valeurs dans le monde slave orthodoxe constitue une vocation à laquelle vous devez rester attachés, car elle enrichit l'Eglise Orthodoxe tout entière comme l'approfondissement du lien, de communion si indispensable à l'unité du corps du Christ.
Sur ce fondement, nous avons l'assurance que les particularités de votre Exarchat sont en mesure de constituer des passerelles pour l'approfondissement de nos relations fraternelles avec notre Eglise Sœur du Patriarcat de Moscou. En effet, conscients que les temps ont changé et laissant derrière nous tout esprit polémique, nous devons œuvrer à la cicatrisation des stigmates de l'histoire et renoncer aux représentations belliqueuses».
Entendre ces paroles d’amour et de paix était réconfortant, d’autant plus dans le contexte des récentes prises de position plus que brutales à l’égard de l’Eglise orthodoxe russe émanant de certains milieux proches de l’archevêché.
Le patriarche Bartholomé a cru bon d’appeler à la sérénité la communauté russe orthodoxe plurijuridictionnelle de France, et cela fut perçu comme une grande consolation. Les relations entre « les juridictions » sont, ces dix dernières années, marquées par les pires chamailleries.
Que se passe-t-il entre-temps à Nice ? Procès, huissiers, tracts, panneaux, et offensantes pétitions…. Paroles plus qu’humiliantes à l’égard de la Russie et de l’Eglise orthodoxe russe, mépris à peine dissimulé de la justice française !
On ne peut qu’espérer que le bon sens prendra le dessus et que nous verrons l’équité triompher, cela pour la saint Sylvestre, au plus tard.
Nous en voulons pour garantie la venue récente sur la Côte de l’admirable archiprêtre Nicolas Ozoline, en provenance de Kiji, en Carélie. De nombreux paroissiens de la cathédrale aspirant à la paix se sont d’ores et déjà regroupés autour du père Nicolas.
Notre pronostic de paix a d’autant plus de chances de se réaliser si l’on a à l’esprit la décision récemment adoptée par l’Assemblée des évêques orthodoxes de France. L’AEOF s’est réunie en séance plénière le 15 septembre dernier sous la présidence du métropolite Emmanuel. Mgr Nestor, évêque de Chersonèse, participait aux travaux.
Il avait été récemment établi par la Commission interconciliaire de Chambésy que les décisions des Assemblées des évêques orthodoxes, cela dans tous les pays où elles ont été installées, doivent être prises à l’unanimité. Cette disposition qui est désormais appliquée contribue à éviter que d’éventuelles dissensions sortent au grand jour.
Ainsi, l’Assemblée a dit : ICI
«Concernant la situation de la cathédrale Saint-Nicolas à Nice le communiqué précise: "Sans vouloir rentrer dans les considérations juridiques liées á la situation de la cathédrale de Nice, les évêques orthodoxes de France regrettent profondément les tensions et les déchirements entre les membres de la même famille ecclésiale. Les évêques ont été unanimes sur la nécessité, sans tarder, de pacifier la situation et de trouver á ce différend, une solution ecclésiale qui ouvre de nouveau les chemins de la réconciliation et du rassemblement en Christ. Ils ont décidé par conséquent de se référer à la sagesse des deux patriarches concernés, oecuménique et de Moscou, pour aboutir à une résolution ecclésiale et irénique de ce différend dans les meilleures délais. Ils demandent, entre-temps, á toutes les parties en cause de garder le calme et d'agir en tout, en faveur de la paix ecclésiale ».
Cela dit, ce qui est à César appartient à César : la Fédération de Russie, légitime propriétaire de la cathédrale de Nice et du terrain sur lequel elle se trouve persévère dans son action comme bon lui semble en vue d’obtenir l’application des arrêts du TGI de Nice et de la cour d’appel d’Aix.
Les litiges interjuridictionnels trouveront entre-temps une solution dans l’esprit de fraternité auquel nous exhortent le patriarche Bartholomé et l’AEOF.
samedi 17 septembre 2011
Communiqué de l'Assemblée des évêques orthodoxes de France
Plusieurs sujets d’actualité ont été hier sur le menu de la réunion périodique de rentrée de l’Assemblée des Evêques Orthodoxes de France au siège de l’AEOF, à la cathédrale Saint Stéphane (Bizet, Paris), tels qu’explicités dans le COMMUNIQUE (PDF) relatif à cette réunion.
Paris le 16 septembre 2011--- L’AEOF a tenu sa réunion périodique de rentrée en son siège le jeudi 15 septembre 2011 à 10h30 sous la présidence du métropolite EMMANUEL. Les évêques orthodoxes de France ont eu la joie d'accueillir au sein de l'AEOF, Mgr IGNACE (EL HOCHI) en qualité d’évêque vicaire du métropolite JEAN (YAZIGI) (Archevêché Antiochien Orthodoxe d'Europe).
1. Les évêques saluent les travaux de la SYNAXE des primats des Eglises orthodoxes locales de Constantinople, Alexandrie, Antioche, Jérusalem et de l'Archevêché de Chypre, tenue á Istanbul, au siège du Patriarcat Œcuménique de Constantinople, du 1er au 3 septembre 2011. Les initiatives envisagées et les décisions prises ne peuvent que développer et affermir les liens de coopération et de solidarité entre ces Eglises. Cette SYNAXE a été l'occasion d'un échange direct sur les difficultés que connaît le Moyen Orient actuellement, et d'une mise en perspective des défis relatifs à la présence chrétienne dans cette région.
2.Concernant la situation de la cathédrale Saint-Nicolas à Nice le communiqué précise: "Sans vouloir rentrer dans les considérations juridiques liées á la situation de la cathédrale de Nice, les évêques orthodoxes de France regrettent profondément les tensions et les déchirements entre les membres de la même famille ecclésiale. Les évêques ont été unanimes sur la nécessité, sans tarder, de pacifier la situation et de trouver á ce différend, une solution ecclésiale qui ouvre de nouveau les chemins de la réconciliation et du rassemblement en Christ. Ils ont décidé par conséquent de se référer à la sagesse des deux patriarches concernés, oecuménique et de Moscou, pour aboutir à une résolution ecclésiale et irénique de ce différend dans les meilleures délais. Ils demandent, entre-temps, á toutes les parties en cause de garder le calme et d'agir en tout, en faveur de la paix ecclésiale."
3. Les évêques sont conscients, à l'occasion de cette rentrée, des difficultés qui continuent á planer sur le vécu et l'avenir des français, en raison de la crise économique et financière qui continue à menacer les personnes et les familles dans leurs projets et leurs biens. Ils sont inquiets par ailleurs, par certaines évolutions, notamment en matière bioéthique, qui remettent en cause la dignité de la personne humaine et peuvent constituer, comme cela a été si bien dit, un "recul de civilisation". Ils regrettent et condamnent l'intrusion dans notre système scolaire et ses manuels, sans consultation préalable, de théories qui introduisent de la confusion et remettent en cause certains fondamentaux anthropologiques de notre société humaine, relatifs à la conception de l'être humain, sa dignité, son identité, son altérité et sa vocation non sans lien avec la conception de la famille et de la filiation.
4. Les évêques se réjouissent par ailleurs, des évolutions et des avancées significatives, apportées récemment par le Conseil d'Etat sur certaines questions fondamentales relatives au droit des cultes en France et á l'application de la loi 1905. Ces évolutions contribuent positivement à faire avancer le débat et à pacifier la relation entre le cultuel et le culturel, entre le religieux et le politique dans nos sociétés, et à ouvrir la voie vers le développement d’une laïcité de bonne intelligence bénéfique à tous.
La prochaine réunion de l’AEOF est prévue le mardi 18 octobre 2011.
PDF COMMUNIQUE
AEOFCommuniqueReunion15septembre2011.pdf (1.2 Mo)
vendredi 16 septembre 2011
A Nice, la bataille de la cathédrale divise les orthodoxes
Un article du journal La Croix, en date du 15 septembre 2011:
En mai dernier, la justice française a attribué la propriété de la cathédrale orthodoxe de Nice à la Fédération de Russie.
Sébastien Nogier/IP3 PRESS/MAXPPP
La cathédrale orthodoxe de Nice a fermé ses portes aux touristes et n’est plus ouverte que pour les offices.
Celle-ci a transféré la gestion de l’édifice au Patriarcat de Moscou, mais l’association cultuelle locale, qui dépend du Patriarcat de Constantinople, s’oppose à cette décision.
Sur place, deux recteurs se font face, tandis que les paroissiens sont divisés.
Bouquet de bulbes colorés sous le ciel méridional, la cathédrale orthodoxe Saint-Nicolas de Nice inspire un sentiment d’harmonie. Difficile d’imaginer, dans la douceur de cette fin d’été, l’âpreté du conflit qui divise depuis bientôt cinq ans la communauté orthodoxe locale et la Fédération de Russie.
De l’extérieur, rien ne semble avoir vraiment changé. Rien ? Pas tout à fait : depuis peu, la grille est verrouillée, et les touristes doivent se résoudre à passer leur chemin. La cathédrale n’est plus ouverte que pour les offices.
C’est l’une des suites de l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 19 mai dernier, qui a confirmé que la Fédération de Russie était fondée à reprendre possession de la cathédrale et des terrains alentour. « Nous avons reçu une notification d’huissier nous demandant de suspendre les droits d’entrée (3 €). Ces entrées nous permettaient de payer nos cinq employés. Nous allons devoir les licencier et ne pouvons donc plus assurer l’accueil », tempête le P. Jean Gueit, recteur de la cathédrale.
UN NOUVEAU RECTEUR VENU DE RUSSIE
« Nous sommes révoltés mais nous n’allons pas nous laisser faire », fulmine Hélène Funck-Dloussky, membre du conseil paroissial et farouche opposante à ce qu’elle voit comme une offensive impérialiste de la Russie. « Les Russes ont installé leurs oligarques dans la région, et maintenant ils veulent une église pour faire joli, s’insurge-t-elle. Où est la foi dans tout ça ? »
Quoi qu’il en soit, cette fermeture a été vivement critiquée jeudi 15 septembre par Alexandre Orlov, ambassadeur de Russie en France, qui a dénoncé dans Nice Matin une « décision prise unilatéralement » par l’administration paroissiale qui « prend en otages les Niçois et les touristes ».
De toute évidence, le conflit niçois s’est durci cet été. L’annonce, par la fédération russe, du transfert de la gestion de l’édifice au Patriarcat de Moscou a achevé de mettre le feu aux poudres. Un nouveau recteur, le P. Nicolas Ozoline, tout droit venu de Russie, a même été nommé pour remplacer le P. Gueit.
JUSTICE CIVILE CONTRE DROIT DE L’EGLISE
Cette décision désole ce dernier, qui, subtilité de l’orthodoxie en France, relève, lui, du Patriarcat de Constantinople. « La décision de la cour d’appel est une décision civile, elle porte sur le titre de propriété. Nous ne le contestons pas. Ce que nous refusons, c’est le changement d’obédience que veut nous imposer l’État russe », détaille le P. Gueit, qui estime que la tradition chrétienne ne permet pas à un évêque de s’immiscer dans les affaires d’un autre diocèse.
En clair, la justice civile se heurte au droit de l’Église. Et ce paradoxe provoque une situation ubuesque, où deux recteurs se disputent une même paroisse, convaincus chacun de leur légitimité. Le 28 août, Mgr Gabriel de Comane, archevêque des Églises russes en Europe occidentale (qui dépend de Constantinople), a réaffirmé son autorité sur la paroisse.
« Jusqu’à aujourd’hui, a-t-il insisté, l’autel de cette cathédrale est lié à mon ministère épiscopal et aucune décision de justice de la part d’un autre évêque ne saurait changer cet état de fait ecclésial. » Trois jours plus tard, Mgr Nestor de Chersonèse (l’évêque du Patriarcat de Moscou pour la France) a exigé la remise des documents relatifs à la gestion de l’église, ainsi que ses clés. Ce que l’ Association cultuelle orthodoxe russe de Nice (Acor), qui gère le site, refuse.
DEUX CONCEPTIONS DE L’ORTHODOXIE
Dans ce climat pesant, le P. Ozoline tente de se faire reconnaître. À Nice, sa soutane est devenue familière. Ce prêtre de 44 ans, lui-même issu d’une famille russe implantée en France, s’attache à promouvoir un discours rassurant : « Je veux être le recteur de tous, et pas seulement d’une minorité. 2 000 à 3 000 russes vivent aujourd’hui à Nice, et nous devons y être plus attentifs. »
Car derrière ces rivalités, deux conceptions de l’Église s’opposent. D’un côté, l’Église orthodoxe russe, traditionnelle, qui se reconstruit lentement et entend réaffirmer son influence en Europe, notamment auprès de ses ressortissants. De l’autre, des fidèles enracinés en France depuis plus de trois générations, et dont l’identité dépasse désormais la seule culture russe.
« Notre archevêché, qui est le fruit d’une diaspora, est sans doute le seul exemple d’une orthodoxie réellement universelle, non inféodée à un pouvoir politique. Nous voulons préserver ces acquis que les Russes aimeraient voir disparaître », craint Alexis Obolensky, responsable laïc de la paroisse, qui déplore les liens ambigus entre le Patriarcat et l’État russe. Des accusations qui « affligent » le P. Ozoline : « Tout pays qui se relève d’une épreuve a besoin de revenir à ses racines pour se tourner vers l’avenir. C’est le sens des liens entre le gouvernement et l’Église dans notre pays. »
DISCUSSIONS ENTRE PATRIARCHES
Parmi la centaine de paroissiens, une vingtaine fait bloc autour du P. Gueit. Mais quelques-uns estiment que l’heure est venue de retourner vers « l’Église mère » : « Les nouveaux arrivants ne se reconnaissent plus dans les évolutions de la paroisse. Il faut cesser cette guerre. D’autant que l’Acor dispose de deux autres églises en ville », fait valoir un paroissien qui préfère rester discret.
Pierre de Fermor, dont le grand-père, officier de la Garde impériale, est arrivé sur la Côte d’Azur en 1921, partage ce point de vue. Cet Antibois a créé une association (1) pour « soutenir le retour à la Russie » de la cathédrale. « D’anciens Russes comme de nouveaux migrants sont favorables à ce retour, assure-t-il. La page de la guerre froide est tournée, et il est temps que la famille orthodoxe se rassemble. »
Le P. Gueit, lui, dit « attendre les instructions » du patriarche Bartholomeos de Constantinople, dont il dépend. Ce dernier pourrait décider de démêler l’écheveau niçois directement avec son homologue, Kirill de Moscou.
(1) Association des Amis de la cathédrale orthodoxe russe Saint-Nicolas de Nice.